Les faucheurs sont les anges de Alden Bell

Temple a quinze ans. Elle ne peut se souvenir du monde tel qu’il était avant, il y a vingt cinq ans … Avant que les morts ne reviennent à la vie, avant de se retrouver seule ou presque, sans personne d’autre qu’elle même pour assurer sa survie. heureusement, elle semble faite pour çà, et son périple sur les routes des Etats-Unis lui permet de se nourrir chaque jour de la beauté du monde. Pourquoi dès lors, éprouver le moindre ressentiment pour les autres : les limaces, les sacs à viande … les zombies.

Je commence l’année 2014 comme j’ai terminé 2013, avec un roman post apocalyptique. La Terre n’est donc plus que ruines, silence de mort et mort qui marche. C’est dans ce monde dévasté qu’est née Temple, adolescente de quinze ans au caractère bien trempé, forgé par une courte mais déjà si longue vie passée à survivre entre zombies et pénuries de ressources. L’histoire démarre sur une petite île, précaire havre de paix. Du haut de son phare, elle peut voir le spectacle de désolation que lui offre la ville d’en face, quand elle ne s’émerveille pas devant le miracle des poissons électriques qui chahutent lorsqu’elle trempe les pieds dans l’eau. Puis un jour, un zombie s’échoue sur sa plage à elle, et elle comprend qu’il est temps de partir. Temple prend son sac et sa machette, puis embarque le lecteur dans un road movie post apocalyptique qui n’est pas sans rappeler La route de Cormack Mc Carthy. Au cours de son périple, elle posera un regard singulier sur ce monde dévasté, qui recèle à ses yeux une beauté insoupçonnée.

Alden Bell raconte alors le parcours initiatique d’une fille qui en a déjà trop vu, trop fait. Sur son chemin, des rencontres avec des vivants, des morts. Avec ces derniers les choses sont tellement plus simples. Pas d’échanges, pas de compromis. Une relation primale qui se règle à la machette. Mais les monstres se cachent parfois chez les survivants, rendant le lien qui peut les (dés)unir beaucoup plus complexe. Temple vit dans sa solitude, et ne paraît jamais autant en danger parmi les siens que dans ce monde infesté de zombies. Le bas instinct de l’homme la conduit à l’irréparable, et son destin prend alors le visage de l’homme qui la traque pour venger son frère perdu. La méfiance est d’or, au risque de passer à côté de belles rencontres. Pourtant, elle en fait. Comme Lee, à la tête d’une bande de chasseurs qui sillonne la région à la recherche de survivants, à bord d’un train. Ou cette famille recluse dans un manoir, miraculeusement épargnée par l’apocalypse. Ou surtout, ce retardé mental au physique de colosse, l’idiot, comme elle l’appelle. Celui qui révèle chez elle cette part d’humanité qu’elle voulait garder enfouie.

Si le style de Alden Bell (dont c’est le premier roman) n’est pas exempt de défauts, comme celui d’appuyer un peu trop ses « images », il séduit par la sincérité qu’il dégage. Les échanges entre les personnages frappent par leur justesse. Et s’il semble parfois peu crédible que certains propos sortent de la bouche d’une fillette de quinze ans, fusse t-elle une survivante, il suffit de se rappeler le monde dans lequel elle est née, et celui, le nôtre, qu’elle n’a jamais connu et dont elle entend peu parler.

Les faucheurs sont les anges est un roman post apocalyptique qui se veut profondément humain. Un voyage inédit au pays des morts vivants, dans le sillage d’une blondinette de quinze ans, terriblement attachante.

8 réflexions sur « Les faucheurs sont les anges de Alden Bell »

  1. J’ai personnellement adoré ce livre. Il est vrai qu’il rappelle un peu la route (bien que je n’ai lu que le roman de Cormack Mr Carthy, je ne sais rien de la version de Catherine Mr Cormack, je ne peux donc pas comparer 😉 ), et par bien des aspects, c’est un livre qui a su instiller un peu d’émotion, dans une période où mes lectures étaient un peu ternes. De là à dire que ce livre a changé la face du monde de la littérature fantastique, il y a un grand pas que je me garderai bien de franchir. Par contre, il aura contribuer à le rendre meilleur.

    1. Erratum pour La route, chaque fois que je dois écrire Cormack, je pense à l’écossaise qui fait chavirer le coeur de Mel Gibson dans Braveheart. Rien à faire, je flanche à chaque fois 😉
      Sinon, je suis entièrement d’accord avec toi. Deux éléments m’ont rendu à cet avis : le fait que je l’ai dévoré à un rythme rapide sans m’en rendre compte (gage de sa qualité), et son dénouement 😉

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